HRAPF IDAHOT: Lois et politiques touchant les droits à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre en Ouganda, au Kenya et au Burundi
FORUM DE SENSIBILISATION ET DE PROMOTION DES DROITS HUMAINS (HRAPF)
Lois et politiques touchant les droits à l’orientation sexuelle et à l’identité de genre en Ouganda, au Kenya et au Burundi
Les rapports sexuels entre personnes de même sexe sont interdits en Ouganda, au Kenya, ainsi qu’au Burundi.
En Ouganda et au Kenya, cette criminalisation a été héritée de la domination coloniale britannique et retenue dans les livres de droit. La Loi sur le code pénal ougandais pénalise avoir une « connaissance charnelle contre l’ordre de la nature » comme une « infraction contre nature », passible de la perpétuité. La Loi sur le code pénal kenyan pénalise également les relations homosexuelles comme une « infraction contre nature », passible d’un emprisonnement maximal de quatorze ans. Au Burundi, la législation n’a été adoptée qu’en 2009 et criminalise les relations sexuelles entre individus de même sexe et impose une peine pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement ou d’une amende de 50 000 francs.
Dans chacun de ces trois états, des accusations de conduite consensuelle de même sexe sont rarement – voire jamais – poursuivies en justice avec succès. Au contraire, ces dispositions pénales sont utilisées pour alimenter le ciblage et la marginalisation accrue des personnes en fonction de leur identité de genre et de leur orientation sexuelle réelle ou perçue, par les acteurs étatiques (principalement la police) et des individus. En Ouganda, la Loi sur l’enregistrement des organisations non gouvernementales pourrait avoir un impact sur le droit des personnes LGBTI en ce qu’elle prévoit que l’organisation ne doit pas être enregistrée auprès de la Commission des ONG si ses objectifs sont en violation de la loi. La loi prévoit également l’enregistrement auprès de la Commission comme une condition préalable fonctionnement. Compte tenu du fait que le comportement sexuel entre individus de même sexe est criminalisé en Ouganda, cet article pourrait facilement être interprété comme interdisant l’enregistrement des organisations travaillant sur les questions LGBTI. La Loi portant création d’une commission sur l’égalité des chances crée une commission qui reçoit et examine les plaintes du grand public impliquant la discrimination et la marginalisation. Cependant, un article de cette loi empêche la Commission d’enquêter sur toute question relative à un comportement « immoral et socialement nuisible », ce qui exclut les cas sur la base de la discrimination LGBTI d’être considéré.
En termes d’identité de genre, le Burundi, le Kenya et l’Ouganda ne reconnaissent pas de droit des personnes à changer leur identité de genre dans la loi. L’Ouganda en particulier a un certain nombre de lois et de politiques qui ont un impact sur les droits des personnes transgenres et intersexuées. Le code civil empêche les personnes transgenres et intersexuées entre les âges de 18 et 21 de modifier leurs noms sans le consentement de leurs parents. La loi prévoit l’enregistrement des changements de sexe des enfants, avec le consentement de leurs parents, mais ne permet pas aux adultes de modifier les indications dans le registre des naissances pour refléter un changement de sexe. Cela signifie que seules les personnes intersexuées, qui sont présumées subir des opérations de changement de sexe comme une question de nécessité, bénéficient de la reconnaissance juridique tandis que les personnes transgenres, qui subissent sans doute les opérations de changement de sexe comme une question de choix, ne bénéficient pas de la reconnaissance juridique. En outre, il y a eu des arrestations de personnes transgenres sous l’interdiction de la « personnification » dans la Loi sur le code pénal ougandais. La façon apparemment « non conforme » dont les personnes transgenres s’habillent est considérée par la police et les membres du public comme « frauduleuse et destinée à décevoir. »
Un autre facteur commun au Burundi, au Kenya et en Ouganda est la protection du droit constitutionnel et international des droits de l’homme, qui doit être à la disposition des citoyens de ces pays. Bien qu’il n’y ait aucune disposition expresse qui protège les droits des LGBTI, les protections de base des droits de toutes les personnes qui sont incorporées dans ces trois Constitutions et dans le droit international sur les droits humains sont applicables.
La Constitution ougandaise contient les objectifs nationaux et les principes directeurs de la politique de l’État, qui sont destinés à guider tous les organes et organismes de l’État, tous les citoyens, les organisations et autres organismes et personnes dans l’application et l’interprétation de la Constitution. Certains de ces objectifs ont incidence sur la protection des droits des LGBTI, comme l’objectif exhortant toutes les parties prenantes à promouvoir une culture de tolérance et de respect ; l’objectif exhortant l’Etat à renforcer la promotion et la protection des droits de l’homme et de garantir le respect des ONG qui luttent pour les droits de l’homme ; et l’objectif qui met l’accent sur les obligations de l’Ouganda en vertu du droit international.
La Constitution ougandaise contient également un article sur les des droits de l’homme qui garantit le droit à l’égalité et la protection contre la discrimination ; le droit à la liberté ; le droit à protection contre de peines ou traitements inhumains et dégradants ; le droit à la vie privée, le droit de fonder une famille, le droit à la liberté d’expression, de pensée, d’opinion et de réunion et le droit à la participation civique.
La Haute Cour ougandaise a confirmé dans l’affaire de Mukasa et autre contre le Procureur général, que la protection constitutionnelle de la liberté personnelle, la vie privée, la protection contre les perquisitions illégales et des peines et traitements dégradants est applicable à tous les citoyens ougandais, indépendamment de leur orientation sexuelle et l’expression de genre. Des droits similaires sont garantis dans les constitutions du Burundi et du Kenya. La Haute Cour du Kenya a également confirmé qu’une personne ne puisse être privée de ses droits de l’homme sur base de son identité de genre dans l’affaire de la République contre le Conseil de coordination des organisations non-gouvernementales et une autre ex partie Transgender Education and Advocacy et 3 autres.
Le droit international relatif aux droits humains exige ces trois États en vertu des obligations légales de garantir la protection des droits fondamentaux de chaque personne. Il existe de nombreux instruments relatifs aux droits de l’homme tels que la Déclaration universelle des droits de l’homme, le Pacte international relatif aux droits civils et politiques, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, la Convention des Nations Unies contre la torture et la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.
Bien que les droits des LGBTI ne sont pas expressément mentionnés dans ces instruments, de nombreuses dispositions ont une incidence sur la protection des droits des personnes LGBTI. Ces dispositions comprennent la garantie de la protection contre la discrimination et de l’égalité devant la loi, la protection contre la torture, les traitements cruels, inhumains et dégradants, la liberté d’expression, d’association et de réunion pacifique et le droit à la vie privée.
En 2006, un comité d’experts a élaboré et adopté « Les Principes de Yogakarta sur l’application du droit international des droits humains en matière d’orientation sexuelle et d’identité de genre. » Ces principes résument les différentes normes du droit international des droits humains et expliquent comment ils s’appliquent à l’orientation sexuelle et l’identité de genre. Les Principes de Yogakarta peuvent être décrits comme un « instrument du droit non contraignant. » Ils donnent des États et des acteurs non-étatiques des recommandations sur la façon d’améliorer la jouissance des droits des personnes LGBTI en utilisant les normes existantes du droit international.
Le fait que les protections de droit constitutionnel et international existent a aidé les personnes LGBT dans les cas où les lois discriminatoires ont été adoptées ou appliquées.
Un exemple de ceci est le fait que la Loi pénalisant l’homosexualité en Ouganda 2014 pourrait être soumise à une contestation constitutionnelle. La loi a été adoptée dans le but de définir clairement l’infraction de l’homosexualité et des infractions connexes et elle visait également élargir considérablement la responsabilité pénale pour les activités sexuelles entre adultes consentants du même sexe. La loi a été contestée pour des motifs constitutionnels dans l’affaire Oloko-Onyango et autres contre le Procureur général et un autre. Les pétitionnaires ont fait valoir que la plupart des infractions créées par la Loi attiraient des sanctions disproportionnées et constituaient des atteintes au droit à l’égalité, à la dignité humaine, à la vie privée et à la protection contre de peines ou traitements inhumains, cruels et dégradants. La Cour constitutionnelle a annulé la loi anti-homosexualité sur des raisons techniques parce qu’elle avait été adoptée sans que le quorum nécessaire des parlementaires ne soit présent, mais on croit que la contestation aurait réussie pour des rasions substantielles également. La disposition troublante de la Loi portant création de la commission sur l’égalité des chances, telles que discutées ci-dessus, pourraient également être contestées pour des motifs constitutionnels. La Cour constitutionnelle a récemment réentendu cette contestation dans l’affaire de Jjuuko Adrian contre le Procureur général.
Un autre exemple des effets pratiques du droit constitutionnel et international des droits de l’homme sur les droits des LGBTI peut être trouvé dans le cas de la Haute Cour du Kenya de Gitari contre le Conseil de coordination des ONG et 4 autres. Dans cette affaire, le Conseil de coordination des ONG avait refusé d’enregistrer une ONG qui faisait la promotion des droits des personnes LGBTI sur les bases que tous les noms suggérés pour l’organisation étaient incompatibles avec la loi du pays. La Cour a jugé que la Constitution devrait être appliquée à toutes les personnes sans préjudice et que la liberté d’association ne pouvait pas être limitée sur base d’orientation sexuelle d’une personne. Elle a également jugé que le Conseil de coordination des ONG avait violé le droit du plaignant à la non-discrimination.
Il est à espérer que, à travers le plaidoyer et la sensibilisation, les protections de droit constitutionnel et international des droits LGTBI pourraient éventuellement être utilisés pour éliminer la criminalisation de la conduite du même sexe dans les livres de droit du Burundi, de l’Ouganda et du Kenya et pour aboutir à la reconnaissance juridique du droit des personnes à changer leur identité de genre.